Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/264

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envoyé son aumône, Misie revint lui dire que ce pauvre frère était bien fatigué, qu’il avait les pieds en sang, et qu’il demandait à coucher sur une botte de paille dans un coin du vieux château ou des écuries.

« Qu’on lui donne un lit, une chambre, un bon souper et tout ce qu’il voudra, répondit Lucie. »

Et elle se remit à parler d’Émile avec M. Lemontier.

Elle était heureuse de le voir enfin, cet homme d’une sereine intelligence, d’une vaste érudition et d’un caractère aussi pur que son esprit. C’était un de ces persévérants chercheurs de lumière que le vulgaire de tous les temps discute, raille, critique ou injurie, mais qui, plus ou moins d’accord entre eux, creusent en chaque siècle plus profondément le sentier dont l’avenir fait de larges voies. Il n’avait pas l’orgueil de l’apostolat et ne se croyait pas un révélateur. Nulle intelligence n’était plus modeste, nul extérieur plus simple. Sa parole était douce, claire, sans ornements inutiles. Il écoutait plus qu’il ne démontrait. Son esprit était toujours occupé de comprendre afin de juger sans passion et de conclure sans partialité. Et, sous cette tranquillité d’âme, il y avait de la vraie force, un indomptable courage, des trésors de bonté, une patience inaltérable.

Bien qu’Émile eût parlé de son père avec enthousiasme, Lucie ne le trouva pas au-dessous de ce qu’elle avait rêvé, car Émile l’avait avertie de l’étonnante simplicité de ses manières ; il lui avait prédit qu’au lieu d’être éblouie, elle serait charmée. Lucie se sentait aussi à l’aise avec M. Lemontier que si elle l’eût toujours connu. Déjà elle l’avait présenté au vieux Turdy, qui l’avait reçu avec une joie expansive, et qui maintenant s’habillait pour venir passer une ou deux heures avec eux avant de retourner à sa chambre de malade.

Le général, avec qui Lucie avait dîné, ne paraissait