Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/282

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vieillard, puisque c’est moi qui vous provoque à parler. Si vous vous y refusiez, je croirais que vous agissez sans franchise et que vous vous réservez d’influencer secrètement le général sans vous compromettre auprès de moi.

— Ce serait m’attribuer, dit Moreali, l’ascendant d’un esprit fort sur un esprit faible, et vous ne ferez, monsieur, ni cet affront au caractère du général, ni cet honneur à mon mince mérite. »

M. Lemontier entra fort à propos, le vieux Turdy allait perdre patience. Évidemment, Moreali voulait brouiller les cartes. M. Lemontier sut apaiser tout le monde, mais il ne put engager l’abbé à exprimer son opinion. Lucie fut indignée de cette démission perfide.

« Vous ne réussirez pas, dit-elle à M. Lemontier, à faire parler un oracle qui ne croit plus en lui-même. M. Moreali sent que sa cause n’est pas bonne, puisqu’il l’abandonne. »

L’œil du prêtre s’enflamma de colère, mais sa voix fut calme et son ton obséquieux et railleur.

« Il n’y a pas ici, dit-il, de cause qui me soit personnelle. Il n’y a que celle du devoir qui est la soumission filiale. Que je déserte ou non cette cause par mon silence, vous ne la gagnerez jamais devant Dieu, mademoiselle La Quintinie, et, comme vous savez cela aussi bien que moi, il est de toute inutilité que je vous le rappelle. »

Lucie provoquée fut sévère. Ce n’était peut-être pas ce que la prudence eût conseillé ; mais M. Lemontier ne lui avait pas recommandé la dissimulation. Il voulait, au contraire, qu’on forçât l’ennemi à la franchise. Lucie s’en chargea vigoureusement.

« Monsieur l’abbé, dit-elle, si en ce moment, au lieu de me prononcer pour le mariage, je me prononçais pour