Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/338

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fruits du passé. La marche libre de l’esprit humain y mettra bon ordre ; vous serez forcés d’ouvrir les yeux quand la violence ne sera ni pour vous ni contre vous.

« Votre erreur, je vous l’ai dite : vous croyez à un Dieu prescripteur de la vie et réformateur de la nature, c’est-à-dire en guerre avec son œuvre, et défendant à l’homme d’être homme. Pour donner plus de poids à l’inconséquence de votre Dieu, vous lui donnez le goût des éternels supplices, vous en faites un cabire autrement terrible que ces fétiches barbares qui voulaient boire du sang avec leur gueule de bronze. Ce ne serait rien pour un Dieu si avide ; vous lui avez donné l’enfer, d’où pendant l’éternité s’exhalera, pour réjouir sa justice, l’odeur de la chair toujours brûlée, toujours dévorée et toujours palpitante ! Magnifique invention à laquelle des millions d’hommes croient encore, et que vous ne voulez pas renier malgré les douloureuses protestations de quelques-uns de vos plus grands saints !

« Monsieur l’abbé, quand vous voudrez que nous fassions un pas vers votre Église, commencez par nous faire voir un concile assemblé décrétant de mensonge et de blasphème l’enfer des peines éternelles, et vous aurez le droit de nous crier : « Venez à nous, vous tous qui voulez connaître Dieu… » Jusque-là, vous nous faites peur, et nous nous demandons si vous êtes des chrétiens et des hommes. Quant à votre Dieu impitoyable, nous jurons sur notre âme éternelle et sur notre Dieu sublime que nous le reléguons dans les ténèbres des premiers âges de l’humanité. C’est un croyant qui vous parle, un croyant aussi ardent, aussi indigné que vous, aussi enthousiaste de son Dieu que vous l’êtes du vôtre, un croyant qui proclame avec Platon, avec Jésus, avec Leibnitz, avec les vrais chrétiens, la conscience de Dieu, c’est-à-dire le Dieu intellectuellement accessible à l’homme, que vous