Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/340

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« Vous vous êtes dépeint vous-même avec beaucoup de modestie et de loyauté ; vous avez pensé, dans votre première jeunesse, que vous n’étiez pas né pour être prêtre. Aucun homme n’est né pour cela. Vous n’étiez ni plus ni moins doué qu’un autre des vertus nécessaires au suicide. Je ne connais pas ces vertus-là. Dieu, qui a dit à l’homme : Tu vivras, ne les accepte ni ne les encourage ; lui demander d’éteindre nos sens, d’endurcir notre cœur, de nous rendre haïssables les liens les plus sacrés, c’est lui demander de renier et de détruire son œuvre, de revenir sur ses pas en nous y faisant revenir nous-mêmes, en nous faisant rétrograder vers les existences inférieures, au-dessous de l’animal, au-dessous de la plante, peut-être au-dessous du minéral !

« Tel est l’état de sainteté auquel aspire le père Onorio ; mais il est homme malgré lui, et il connaît le zèle de la colère, les ivresses de l’anathème. Ne pouvant être chrétien, il s’est fait pythonisse.

« Quant à vous, visant à ce prétendu état de sublimité, vous vous êtes embarqué sur le vaisseau fantôme qui erre éternellement dans les brumes et dans les glaces sans pouvoir aborder jamais et sans pouvoir rentrer dans les cercles de la vie. Vous aviez, dites-vous, certaines vertus chrétiennes innées, certaines autres rétives, et vous avez cru devenir un chrétien complet en abandonnant pour l’état ecclésiastique les vrais devoirs du christianisme.

« Pour vous guérir de l’ambition, vous vous êtes affilié à une société dont l’ambition est d’anéantir le monde à son profit ; pour vous guérir de l’orgueil, vous avez embrassé un état qui se proclame supérieur à l’humanité et tient la société laïque pour un monde inférieur et secondaire ; pour vous guérir de la luxure, vous avez prononcé des vœux qui, vous défendant de posséder légitimement