calme et de raison. Sans lui dire à qui la dernière lettre de Blanche était adressée, il lui en répéta les termes qui avaient rapport à elle, et Lucie pleura en apprenant enfin que sa mère l’avait bénie et regrettée.
Conformément à l’avis de son père, Émile était à ***, où commandait le général. Le surlendemain des événements qui précèdent, il éprouva une grande surprise en voyant entrer dès le matin Moreali dans sa chambre. L’abbé l’embrassa avec effusion et lui dit de s’habiller vite. Ils se rendirent ensemble chez le général, qui parut très-ému, mais non surpris. Il avait déjà vu l’abbé. Émile ne savait rien de ce qui s’était passé entre son père et Moreali. Il était très-ému lui-même. Moreali gardait le silence.
« Allons, allons ! dit enfin le général à celui-ci, j’ai donc été trop rigide, selon vous ? J’ai cru bien faire !… Vous savez, nous autres soldats, nous croyons à l’autorité, nous aimons l’obéissance passive… Mais j’aime ma fille, vous n’en doutez pas, j’espère !… Et puis je suis homme à écouter un bon conseil… Puisque c’est vous qui faites appel à ma complaisance,… allons, sac-à-laine ! je cède. »
Il tendit la main à Émile en lui disant :
« Vous êtes ici depuis deux jours, et vous ne veniez pas me voir ! vous attendiez mes ordres ? C’est bien. Je vous ordonne de déjeuner avec moi. Passez dans mon salon, j’achève en deux temps de m’habiller. »
Émile n’était pas absolument tranquille. Il voyait un faible et mystérieux sourire errer sur les lèvres de Moreali. En même temps, il remarquait une très-grande altération sur son visage flétri et fatigué. Il avait tort de se méfier. Moreali souriait comme malgré lui de l’empressement du général à se rendre ; mais il n’avouait pas ce sentiment d’ironie : c’eût été reconnaître l’ascendant