Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/356

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là quelques têtes à perruque ! ne blessez pas leurs principes. C’est inutile. »

« Comme le rôle d’un homme de mon âge est la modestie et la réserve, je n’ai pas eu de peine à m’engager. Je suis rentré chez moi, d’où je t’écris à la hâte. Je partirai à minuit en sortant de chez le général, et demain, dans la soirée, je serai dans tes bras et aux pieds de Lucie.

« Je ne devrais pas être surpris de mon bonheur ; tu m’as laissé ignorer les détails de la lutte, tu m’as toujours crié : « Courage et confiance ! » Que pouvais-je craindre, de quoi pouvais-je douter, du moment que tu travaillais pour moi ? Et pourtant je crois rêver, et je suis si ému, que je ne peux te rien dire, sinon que j’adore Lucie et toi, toi et Lucie. Et le bon grand-père ! comme j’aurai soin de lui, comme je le chérirai ! Dis à Lucie que je l’aiderai à le faire vivre jusqu’à cent ans ! Mais tu ne nous quitteras pas, mon père ! Ah ! je n’ai pas mérité tant de bonheur, et pourtant j’aspire à l’infini du bonheur en ce monde, tu le vois ! — À demain ! à demain !

« Embrasse pour moi mon cher Henri. Voilà un garçon dont je me moquerai bien quand il voudra se poser en égoïste ! »


Quand Émile fut arrivé à Turdy, Lucie et M. Lemontier acceptèrent le délai de trois mois fixé par Moreali, — peut-être dans l’espoir d’un retour de Lucie à ses opinions, — et on laissa croire à Émile, pour lui faire prendre patience, que cette décision venait de son père. Il passa quelques jours dans l’ivresse du plus pur bonheur et consentit à retourner seul à Chêneville. Il ne s’effraya pas de cette retraite, qui lui permettait de se recueillir et de savourer religieusement la pensée de ses joies et de ses devoirs. Il fut même reconnaissant envers