Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/75

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chapelle rustique où l’on pût prendre pied, et cette grotte n’a aucune communication, que je sache, avec l’intérieur de la montagne. J’essayai de démarrer un petit canot de pêcheur, j’en vins à bout, et en un instant je gagnai la grotte. Elle était vide, sombre et muette. J’y remarquai seulement un parfum de fleurs très-prononcé et un objet blanchâtre dont je m’emparai ; c’était une grosse touffe de lis qu’on venait de déposer aux pieds de la madone, car les fleurs étaient trop fraîches pour avoir passé là la moitié de la nuit. L’inconnu venait donc d’apporter cette offrande… À qui ? à la Vierge ou à Lucie ?

J’emportai le bouquet, je l’examinai dans ma chambre après l’avoir délié avec soin. Il ne contenait aucun papier ; mais, sur le ruban de soie blanche qui l’entourait, il y avait un signe imprimé en or, et ce signe était ce qu’on appelle en style de sacristie, je crois, un cœur de Marie, un cœur surmonté d’une croix et percé d’un glaive avec des gouttes de sang figurées en rouge carmin, emblème d’amour charnel, s’il en fut, avec une allusion à la douleur physique. J’éprouvai un mouvement de dégoût. De pareils symboles m’ont toujours semblé exprimer tout autre chose que des idées religieuses, et je cherche en vain dans la vraie doctrine chrétienne quelque trait qui s’y rapporte.

Je me tourmentai l’esprit horriblement ; que signifiait cette sorte d’ex-voto d’un cœur malade, dévoré peut-être, peut-être ensanglanté par ma tentative d’union avec Lucie ? Ce n’était peut-être rien de tout cela, c’était tout simplement un vœu accompli par une âme dévote étrangère à mes préoccupations ; mais cet étranger, je l’avais assez aperçu pour me convaincre que ce n’était ni un paysan ni un prêtre : il m’avait paru jeune, bien mis et d’une tournure svelte. Pourtant je l’avais si mal vu, que je pouvais bien avoir rêvé tout cela. Quoi qu’il en