Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/216

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ne le croyais qu’il faut vous arrêter pour me parler de l’avenir. Il sera ce que votre volonté le fera. Doutez-vous déjà de moi, que vous ayez peur de ma violence ? Ne savez-vous pas que, si je vous faisais verser une seule larme, je ne me croirais pas digne de vivre ? Parlez encore. Oublions l’ennemi, il n’est pas sur la brèche. Parlez-moi de vous, de vous seule !

— Ne vous ai-je pas tout dit ? reprit-elle. Ne savez-vous pas à présent qui je suis ?

— Je ne le saurai jamais assez pour vous adorer comme je le dois.

— Je ne m’estime pas si haut. Je me sais juste et sincère, voilà tout. Je n’ai pas été héroïque jusqu’à présent. Voilà ce que vous voulez savoir, n’est-ce pas ? Vous pensez que j’ai souffert de mon sacrifice, et vous réclamez l’aveu de quelque douleur secrète immolée à ce pauvre Montroger ?…

— Eh bien !…. oui, à présent, je ne dois rien ignorer. Votre vie est la mienne ; tout ce qui vous a blessée, je veux en être frappé aussi pourvu connaître la souffrance et la guérison. Est-il donc vrai que vous n’avez jamais aspiré à l’amour ?

— Je n’ai pas dit cela. J’ai fait souvent ce rêve ; j’ai aspiré à aimer, mais je n’ai pas aimé ! J’étais renfermée dans un cercle qui ne se renouvelait guère. Vous connaissez tous les hommes que je vois, ceux que vous n’avez pas connus étaient tout pareils. Je ne sais si c’est un effet du temps que nous traversons, tout le monde se ressemble. Toutes les éducations ont le même résultat, tous les individus parlent et pensent de même. Ils ne croient à rien, ils n’ont rien à révéler. On ne peut pas davantage apprendre l’amour dans les livres nouveaux ; il n’y est plus. C’est un