Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/219

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l’idée qu’il me faudrait sa permission pour vous choisir ?

— Oui, j’en suis furieux malgré moi ; mais je reconnais que c’est un sentiment injuste et farouche. Je le vaincrai.

— Bien. Vous comprendrez que je ne peux pas inaugurer une ère d’espérance et de liberté en brisant l’orgueil d’un vieil ami si gâté jusqu’à présent. Qu’il en ait abusé, ce n’est que trop certain, mais c’est ma faute. J’ai cru trouver dans son estime et dans son attachement des compensations qui m’échappent. Il ne fallait pas tomber dans la bêtise sublime du sacrifice par amitié. Il pourrait me répondre que j’ai fait ce sacrifice à la mémoire d’un mort chéri, et j’avoue que je serais effrayée de cet argument. Il me semble que, le jour où je foulerais aux pieds la souffrance de Montroger, cette âme de mon père qui s’est réconciliée avec moi me crierait que je me sépare d’elle et lui inflige une seconde mort.

— Je me soumets. Vous parlerez à Montroger.

— Supposons à présent que Montroger tombe dans le désespoir et ne se soumette pas !

— Mais, par la mort ! de quel droit… ?

— Ah ! prenez garde ; vous voilà jaloux de lui ! Il me semble qu’au fond de cette colère, il y a un soupçon ! Ne me le dites pas, ne me le dites jamais. Le doute me tuerait !

— Non, m’écriai-je en baisant ses pieds ; non, je ne doute pas ! Chassez-moi, si cela m’arrive, et oubliez moi. Je ne peux pas me livrera un pire châtiment, mais dites-moi pourquoi cet homme se révolterait contre vous ? Il est donc insensé ?

— Il a l’esprit faible ; son organisation puissante