Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/22

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plus fâcheux les uns que les autres. Je n’en citerai que deux, un homme et une femme, que je déteste particulièrement.

— Comment appelle-t-on ce couple infortuné ?

— Ce n’est pas un couple, c’est un vieux garçon et une vieille fille qui demeurent aux deux bouts de l’horizon, et qui m’agacent les nerfs par le bien qu’ils disent l’un de l’autre. Pure affectation, car, s’ils s’aimaient tant, ils se seraient épousés, et tous deux professent l’horreur du mariage.

— Où vivent-ils, et comment les nomme-t-on ?

— Commençons par le sexe qui se prétend le plus noble. M. de Montroger habite le castel moderne que tu vois enfoui dans le vallon, à une demi-heure de chemin d’ici. C’est un homme de quarante ans, qui serait bien, s’il y avait un peu d’intelligence dans ses gros yeux noirs et un peu de poésie dans sa tournure ; mais il a un système, qui est de se traiter d’homme nul avant que personne songe à lui demander ce qu’il est. Il craint apparemment que sa beauté ne l’expose aux visées des mères de famille et ne compromette le repos des jeunes personnes.

— En d’autres termes, c’est un homme modeste et sérieux. Il est riche, à ce que l’on m’a dit ?

— Il est riche et il fait du bien ; c’est l’homme de la rengaine utilitaire et provinciale. Tu avais donc déjà entendu parler de lui ?

— Oui, comme du plus galant homme qui existe. Je ne lui souhaite pas une femme telle que toi, mais je te souhaiterais…

— Un mari tel que lui ? Dieu m’en préserve ! Un homme qui serait mon père ! qui est jeune de figure, j’en conviens, mais vieux d’idées, revenu de toutes les illu-