Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/223

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main le remit d’aplomb. Il eut pourtant un nouveau vertige en voyant les grands vases dont les panaches de verdure semblaient le narguer. Il n’y comprit rien ; mais un dérangement si notable dans le coup d’œil général de l’appartement le troubla, et il ne put s’empêcher d’interroger le regard de mademoiselle Merquem, qui feignit de ne pas s’en apercevoir et se hâta de le ramener au but de sa visite.

— C’est le jour des affaires, à ce qu’il paraît, lui dit-elle. J’ai fini avec celles de ma chère voisine, madame du Blossay, et je suis à vous.

Puis, s’adressant à moi :

— Vous répondrez à votre tante que ses désirs sont des ordres, et, comme vous passez par la grève, vous direz à Guillaume que je compte l’y voir dans une heure.

Je me retirai en commentant cet ordre inattendu. Je crus comprendre qu’il avait un sens caché, et que c’était à moi d’attendre sur la grève qu’elle vînt me rendre compte de son entretien avec Montroger.

J’étais comme brisé par cette apparition malencontreuse, et je n’étais pas sans inquiétude sur le but de la visite. Si la destinée était décidée à presser les événements, c’était à moi de les attendre de pied ferme. N’étais-je pas l’être le plus heureux de la terre, et, si dans une heure mon rival, s’attachant aux pas de Célie, venait me brûler la cervelle, de quoi aurais-je à me plaindre ? Telle est l’ardeur des joies d’amour dans la jeunesse, que je me sentis transporté d’enthousiasme à l’idée de payer de ma vie les moments d’ivresse que je venais de passer aux pieds de ma bien-aimée marraine. Il me fallut faire un effort pour ne pas me jeter dans les bras de Stéphen en lui