Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/260

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si bien élevé, mais peu délicat de sentiments, s’exprimait sur le compte de Célie ; il parlait comme s’il eût eu des droits sur elle, presque comme un mari trompé, et ces confidences à un rival heureux sentaient le ramollissement d’un cerveau troublé ou un secret désir de provocation de ma part. Je pensai qu’il avait juré à Célie de ne pas prendre l’initiative, et que nous étions également retenus par un serment que chacun de nous eût souhaité voir rompre par l’autre.

— Depuis quelque temps, reprit-il, je voyais fort bien que vous poussiez votre pointe, et, ce jour-là, je voulus être sûr de mon fait. Je suivis Célie et je la vis entrer avec vous dans une grotte de la falaise. Plus de doute, j’étais joué ! Je résolus de vous tuer, oui, mon cher, c’est comme ça ; mais le temps de descendre l’escalier de roches, vous étiez loin, et mademoiselle Merquem revenait seule à ma rencontre. Elle me prit le bras avec une résolution désespérée, et me dit : « Je suis contente de vous retrouver là, j’ai une confidence à vous faire, rentrons chez moi. » Je me soumis. Du moment qu’elle me traitait en homme, je pouvais me résigner. Elle fut alors très-sincère, et, après m’avoir tout raconté, elle conclut en me disant qu’elle avait mis à son mariage avec vous une condition, c’est que je l’accepterais sans en trop souffrir. Est-ce bien cela, et puis-je vous demander si vous avez accepté cette condition ?

— Oui, monsieur. Je ne l’ai pas acceptée avec plaisir, comme vous pouvez croire ; mais je l’ai subie par dévouement pour elle.

Il respira un instant, comme soulagé d’une partie de son fardeau, puis il reprit :