Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/268

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vis sa grosse barque à l’ancre et tout l’équipage, qui se composait de son père et de ses frères, déjeunant sur la grève. Ils me reçurent avec des signes et des paroles symboliques qui me prescrivaient de monter dans la barque et qui ne m’apprenaient rien. Je me hâtai, et, au milieu d’un petit chargement de paille qui formait une sorte d’habitacle, je trouvai mademoiselle Merquem assise et resplendissante de tendresse et de bonheur.

— Victoire ! me dit-elle en me tendant les deux mains et en m’attirant à ses pieds, nous triomphons ! notre douceur et notre patience ont déjà leur récompense. Notre pauvre ami s’est bien débattu, mais il cède ; il comprend son devoir, et il avoue que sa dignité est sauvée s’il feint de prendre l’initiative de notre union. Il m’a donné hier soir sa parole qu’il se sentait consolé et calmé par cette bonne résolution, et il compte venir demain vous chercher lui-même. J’ai voulu vous avertir. Je savais que Guillaume était allé à Fécamp. J’ai été l’y rejoindre, et il va m’y reconduire sans que personne m’ait vue ici, sans que personne à la Canielle, excepté mes vieux serviteurs, ait su mon absence. Donc, à demain soir ; soyez calme et prudent. Le brave Montroger a encore quelques mouvements d’humeur. Je vous confie la tâche délicate de le guérir tout à fait à force de déférence et d’amitié. Il fera son devoir, n’en doutez pas. Le fond est généreux. J’ai trop douté de lui, je l’ai peut-être trop ménagé ; mais, en le voyant si bon et si reconnaissant, je ne me repens pas, et je sens que mon bonheur eût été empoisonné par sa résistance. Allons, adieu, courage jusqu’à demain ! Laissez-moi repartir, il le faut.