Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/283

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je suis à me trouver heureuse du témoignage de ma conscience.

Et, comme j’hésitais à espérer que ce terme moyen satisfît la jalousie désormais éveillée de Montroger :

— Ne craignez rien de lui pour moi maintenant, reprit-elle ; j’ai eu patience et pitié, je n’ai fait qu’aigrir son mal. Je saurai replacer notre amitié sur le pied où elle était avant cette condescendance dont il abuse. Ne me voyant plus qu’en public, et m’y voyant libre en apparence de tout lien, il recouvrera aisément l’habitude de me croire enchaînée à lui. Il m’a assez révélé le fond de son amertume, depuis un mois d’explications, pour que je sache bien désormais la nature de son sentiment pour moi. Il n’est tourmenté que de l’affront que doit lui infliger vis-à-vis du public ma préférence pour vous. Il n’a pas su me plaire, et il ne veut pas qu’un autre me plaise. Il en est humilié jusqu’à la fureur, et il a été jusqu’à m’avouer qu’il ne serait pas jaloux d’un amant reçu en secret. C’est l’époux acclamé qu’il redoute et déteste. Eh bien, pour m’épargner l’odieux sacrifice de la vie d’un fou, voulez-vous être, jusqu’à ce qu’il guérisse, l’amant de votre femme ?

— Mais, avec la vie que vous menez, c’est impossible ! m’écriai-je ; vous n’avez jamais rien eu à cacher, vous avez pris l’habitude d’habiter une maison de verre, qui appartient à tout le monde…

— J’apprendrai, répondit-elle avec un sourire qui m’enivra, ce que savent toutes les autres femmes. Ne vivant plus que pour un seul être, je me déroberai au contrôle de tous les autres. J’ai beaucoup parlé de tout cela avec Bellac, j’y ai beaucoup pensé. J’ai le droit de voyager et de me soustraire de temps en temps