Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/295

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dernier effort avait épuisé sa lucidité ; elle ne me reconnaissait plus, elle cachait son visage dans les coussins du divan : elle avait peur de moi ! Une chouette vint glapir sur un arbre voisin. Ce sanglot me fit frissonner comme un enfant.

Enfin Stéphen arriva.

— Allez-vous-en, cachez-vous, me dit-il ; voici M. Bellac avec Anseaume, celui-ci ne doit pas vous voir.

Il me poussa dans les buissons, d’où, à la lueur des flambeaux, je vis emporter Célie enveloppée dans sa pelisse de cachemire bleu. Il me sembla qu’elle était morte et qu’on allait l’ensevelir. Bellac paraissait consterné. Il était nu-tête ; son crâne chauve brillait aux lumières, et je crus voir des larmes couler sur ses joues. Quelle épouvantable nuit de noces ! Il semblait que le destin eût maudit mon amour. J’étais hébété, et je me laissais conduire par Stéphen, qui m’introduisit sans bruit chez lui, et retourna au château après m’avoir fait donner ma parole d’honneur que je ne me montrerais à personne avant le jour. Je la lui donnai, comprenant à peine ce qu’il exigeait, et je restai inerte, comme si le froid de la mort fût aussi entré en moi.

Il revint me dire qu’elle était un peu plus calme, et il chercha à me donner de l’espérance ; mais on est clairvoyant dans la douleur. Je vis bien qu’il était sérieusement inquiet. Dès le jour, je pus m’introduire dans le parc, où pénétraient les gens du village pour s’informer auprès des gardiens, car déjà la nouvelle s’était répandue qu’on avait été, en pleine nuit, chercher le médecin de la maison. M. Bellac avait les meilleures idées générales sur la santé et la maladie,