Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/316

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plus ne m’est rien de ce qui n’est pas vous. Si quelque jour vous trouvez ma tendresse trop absorbante ou trop monotone, je le verrai bien : alors, je retournerai à mes occupations, sans humeur et sans regret. J’aurai été heureuse du grand bonheur, et je saurai me contenter du moindre. Si Dieu me donne des enfants, je les élèverai sous vos yeux, d’après vos idées, et je ne serai certes pas à plaindre, car je suis sûre de rester votre meilleure amie. N’oubliez pas que j’ai été longtemps une personne raisonnable, et souvenez-vous que la raison commande d’être absolument dévoué et soumis à ce que l’on aime par-dessus tout. J’ai accepté l’amour, non comme un égarement et une faiblesse, mais comme une sagesse et une force dont, après quelque doute de moi-même, j’ai été fière de me sentir capable. Chaque jour qui s’est écoulé depuis ce premier jour de confiance et de joie m’a rendue plus sûre de moi-même, plus fière de mon choix, plus reconnaissante envers vous. À présent, commandez-moi ce que vous voudrez, puisque je ne connais plus qu’un plaisir en ce monde : celui de vous obéir.

Je dus accepter cet abandon absolu, continuel, irrévocable de sa volonté. Le refuser eût été le méconnaître. Je lui ai juré et je me suis juré à moi-même que je me servirais de cette possession de son âme pour faire d’elle la plus respectée et la plus heureuse des femmes. Je me mépriserais profondément le jour où je croirais y avoir le moindre mérite. Avec une telle compagne, la vie est un rêve du ciel. Jamais pareille égalité d’âme ne fut le partage d’une créature humaine. J’ai trouvé en elle un ami sérieux, solide dans toutes les épreuves, spontanément généreux et pru-