Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/37

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ans, mais sans un jour de plus ni de moins, comme si un parfait équilibre eût présidé aux événements et aux émotions de sa vie. Elle avait dans les mouvements la souplesse d’une belle constitution entretenue par une vie active et bien réglée, sans fatigues exceptionnelles, sans germe et sans trace de maladie chronique. Sa fraîcheur rosée était celle de la santé soutenue, sans exubérance. Elle n’avait ni embonpoint ni maigreur, ni langueur ni éclat. Un ensemble de choses harmonieuses, une grâce étrange qui consistait dans la rectitude, l’adresse et la sobriété des mouvements et des attitudes. Sa chevelure crêpelée, touffue et légère me frappa particulièrement. Les cheveux sont pour moi un indice prononcé du caractère. Leur souplesse soyeuse me révèle la douceur des instincts, leurs enroulements naturels me représentent l’abondance et l’agencement heureux des idées. Cette grande fille paraissait atteindre le développement complet du genre de beauté qui lui était propre. Tous ses traits étaient charmants sans qu’on pût dire qu’aucun fût merveilleusement tracé. C’était comme le dessin d’une belle tête grecque sur lequel on eût passé l’estompe pour en fondre les contours, et mêler au type trop régulier delà première ébauche le moelleux delà gentillesse française. Cet adoucissement de la forme donnait à l’expression du visage un caractère jeune et candide qui ne devait jamais s’effacer. Les dents étaient petites, le moindre sourire les découvrait toutes, et l’attrait caressant et confiant de ce sourire me parut irrésistible ; l’âme d’un enfant semblait avoir persisté dans le corps d’une femme faite et fixée.

Elle me plut tellement, et je compris si bien le charme qui pesait sur le pauvre Montroger, que je