Page:Sand - Malgretout.djvu/179

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Je souffrais chaque jour davantage et ne trouvais pas l’épuisement sur lequel j’avais compté ; ma santé revenait avec le repos. N’ayant plus pour les chers enfants absents les sollicitudes de chaque nuit et le souci de m’éveiller aussitôt qu’eux pour ne pas les perdre de vue, je dormais longtemps, et, comme je marchais beaucoup dans nos bois pour remplacer la surveillance de mon père, j’avais un appétit impérieux. Le moral eût dû guérir aussi, mais il semblait que la vigueur de mon être cherchât son aliment dans une sorte de désespoir exalté. Je m’aperçus de la faute que j’avais faite en laissant ma famille partir sans moi. La contrainte qu’on s’impose pour ne pas affliger ceux qu’on aime est une source de courage que chaque instant commande et renouvelle. Oui, la vie de famille est nécessaire à la femme ; c’est ce qui fait notre grandeur. Sans le dévouement de tous les jours et les sacrifices de tous les instants, nous ne comprenons plus notre raison d’être, nous ne savons que faire de nous.

Pénétrée de cette vérité, je résolus de rejoindre les miens à Nice. Ils étaient arrivés sans fatigue, ils avaient un temps superbe. Mon père se tourmentait de ma solitude, ma Sarah me demandait tous les jours et m’appelait tous les soirs en s’endormant. Adda voulait passer dans le Midi deux mois encore ; nous étions en mars. Je me mis en tête de les surprendre. Ils étaient rassurés sur ma santé, mais je savais que ce long voyage inquiéterait mon