Page:Sand - Malgretout.djvu/186

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Il était donc occupé d’une femme ? L’aimait-il ? Aime-t-on en riant ? Elle lui plaisait plus que les autres, puisqu’il s’isolait avec elle au milieu d’une réunion. C’était sans doute une artiste distinguée dont le talent avait sur lui un prestige légitime. Ce pouvait être aussi affaire de bonne camaraderie. Ils s’étaient fait quelque gaie confidence, ils avaient préparé quelque mystification aux autres convives, puisqu’ils étaient rentrés mystérieusement par une porte particulière. Ma candeur trouvait moyen d’expliquer tout. Abel m’était cher encore, plus cher peut-être que jamais, car peut-être, au milieu des plaisirs, ne songeait-il qu’à moi, comme au milieu de ses triomphes, il ne cherchait d’inspiration que dans le souvenir de la Demoiselle.

Une porte s’ouvrit tout à côté de moi dans une chambre dont je n’étais séparée que par une mince cloison. Ces voisinages brutaux de l’auberge, dont j’avais espéré être préservée par le hasard, puisque jusqu’à ce moment je n’avais entendu remuer personne, me firent tressaillir, et je me rapprochai sans bruit de la fenêtre pour ne pas entendre et n’être pas entendue. Hélas ! mon destin devait s’accomplir quand même. Une voix de femme très accentuée et qui faisait fortement vibrer les r prononça ces mots :

— C’est là ta chambre ? Elle n’est pas riche !

— Je ne savais pas, répondit une voix d’homme sur un ton enjoué, qu’elle aurait l’honneur de te