Page:Sand - Malgretout.djvu/188

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J’avais deux heures à attendre le train qui devait m’emmener à Marseille, j’avais le temps de me rendre à la gare, qui pouvait être éloignée. Je n’aurais pas su la retrouver, mais, après avoir erré encore un quart d’heure, je rencontrai une voiture, et j’y montai. J’avais demandé, la veille au soir, à payer ma dépense à l’hôtel, afin de n’avoir pas à m’occuper de ce détail au moment de partir. Le hasard qui me frappait d’une main me sauvait de l’autre ; je n’étais pas forcée de retourner dans cet enfer ! Je gagnai la gare une bonne heure d’avance ; j’étais mouillée et brisée. Je me trouvai seule dans un grand salon, devant une cheminée où brûlait dans sa grille un monceau de charbon de terre.

— Allons, allons ! me disais-je en me réchauffant, tu n’es pas morte, tu n’es pas folle ; remercie Dieu, qui a voulu te conserver à ton père et à ta bien-aimée petite Sarah. Tu vas les revoir, tu retrouveras la force de vivre !

Mes yeux interrogeaient avec impatience le ciel gris, qui blanchissait lentement ; en me retournant vers la cheminée, je vis sur le mur une grande affiche jaune avec ces quatre lettres terrifiantes : Abel ! — Je regardai : c’était l’annonce d’un nouveau concert d’Abel, à Marseille, pour le surlendemain.

Il allait à Marseille, j’étais condamnée à le rencontrer là, et à Nice peut-être encore ! Mon parti