Page:Sand - Malgretout.djvu/218

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vingt et un ans, à la tête de cinquante mille livres de rente. C’est peu pour, le monde où je vis, mais c’est assez pour la manière dont j’y vis. Je n’ai pas de maison, je n’ai pas même un pauvre petit chez-moi. On ne me le permet pas ; c’est à qui veut m’avoir pour briller l’hiver dans les capitales ou courir les eaux, les bains de mer, l’Italie, la Suisse, l’Écosse durant l’été.

» D’un bout de l’Europe à l’autre, il y a des salons qui m’appellent, des châteaux qui me rêvent, des fêtes qui m’attendent. De frais de route, point. On me sait relativement pauvre, on m’accompagne, on me porte, on m’enlève. Je n’ai à dépenser que pour ma toilette, et je n’y épargne pas mon génie, car c’est ma beauté et mon élégance qui payent tous ces empressements. Je suis la vie des réunions, je ne me vante pas, vous avez dû l’entendre dire ; j’y suis ce que j’ai voulu être, ornement de première classe, étoile de première grandeur, et je m’arrange pour ne pas laisser prendre ma place. C’est facile ; les étoiles filantes qui voudraient briller plus que moi font vite la rencontre d’astres masculins qui les absorbent ou les brisent. Moi, je ne me laisse pas seulement effleurer, et je poursuis ma route.

» C’est que je ne suis pas sotte. Je n’attache pas d’importance aux faux biens de ce monde. Je n’ai pas de diamants, une demoiselle n’en a pas besoin, et je ne rêve pas d’en avoir au prix du mariage ou de la galanterie. Je n’ai que faire d’étoffes et de