Page:Sand - Malgretout.djvu/253

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me défendit, en paroles caressantes, de rien espérer, tout en dardant sur moi ces yeux étranges qui disent : Osez tout ! C’est sa manière.

— Ces yeux-là enivrent, à ce que l’on dit ?

— Ils enivrent comme du vin de Champagne où l’on aurait mis du vitriol. Je ne suis plus enfant pour goûter au poison ; je ne fus pas enivré.

— Et alors ma sœur…?

— Votre sœur et mademoiselle d’Ortosa se haïssent cordialement.

— Que dites-vous là ? Elles s’aimaient.

L’Espagnole a choyé la petite Anglaise jusqu’au jour où elle a vu que celle-ci, avec son air mutin sous ses habits de deuil, avait un succès de fraîcheur et de physionomie. Elles ont essayé leurs flèches sur moi. Pour mademoiselle d’Ortosa, c’était une occasion d’enflammer le dépit de ces messieurs et de les renvoyer humiliés à la petite Adda. Pour la petite Adda, c’était une tentative audacieuse et désespérée d’arracher à la grande aventurière la seule conquête dont elle eût le caprice ce soir-là. L’assaut fut rude. Madame de Rémonville me fit de son éventail noir, et sans aucune adresse, le signe impérieux de revenir auprès d’elle. Mademoiselle d’Ortosa me força de lui tourner le dos en me faisant faire demi-tour, d’un bras nerveux. Tout le monde vit ce singulier jeu de scène, et, pour mettre les parties d’accord sans me donner ridiculement en spectacle, je m’esquivai adroitement du salon. J’ai