Page:Sand - Malgretout.djvu/275

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fascination. Il n’a pas réussi. Il a été subjugué, il a voulu fuir, car c’est un grand malheur d’être épris de mademoiselle d’Ortosa ; elle ne cède à personne. Il s’en allait à Gênes rejoindre une certaine Settimia, qui n’est pas belle par parenthèse, une vieille maîtresse, mais qui chante bien et avec laquelle il fait de l’argent ; eh bien, comme ils arrivaient à Monaco, mademoiselle d’Ortosa, invitée par la princesse à une soirée musicale, y arrivait aussi. On s’est rencontré au palais, on s’est rencontré dans une promenade en mer, on s’est rencontré à l’hôtel, à la maison de jeu, partout, et Abel a fait mille extravagances qui eussent compromis toute autre femme que la belle Carmen. Elle s’en est divertie quelques jours, et puis elle l’a éconduit comme les autres. Ce qu’il est devenu après, je n’en sais rien ; mais il est très-lié avec lord Hosborn, et, puisque mademoiselle d’Ortosa est au Francbois, soyez sûrs que vous aurez la joie d’entendre encore le céleste violon avant peu.

— Comment savez-vous toutes ces billevesées ? demanda mon père.

— Je les sais parce que mademoiselle d’Ortosa me les a racontées.

Et Adda continua de babiller sur ce ton avec une légèreté un peu cynique dont je fus blessée. Elle avait pris loin de moi un aplomb singulier, elle racontait délibérément des aventures scandaleuses comme les choses du monde les plus naturelles.