Page:Sand - Malgretout.djvu/334

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pirait doucement. Le vent, chassant des nuages livides, avait des plaintes navrantes, et des rafales de pluie ternissaient l’eau plombée. Tout pleurait en moi et autour de moi, je souhaitai ne me relever jamais et mourir là.

Tout à coup je me sentis entourée de deux bras tièdes et souples. C’était Abel qui me relevait et me pressait contre sa poitrine. Lui aussi pleurait et sanglotait avec tant d’énergie et de déchirement, que j’oubliai toutes mes résistances, toutes mes douleurs pour bénir sa pitié et y chercher mon refuge contre la désespérance et l’horreur de la vie.

— Je sais tout, me dit-il, il y a huit jours que je suis caché auprès de vous et que je cours le pays sous un déguisement. Je sais tout ce que vous avez fait de sublime et tout le mal qu’on vous a fait ; je sais vos soins pour la coupable et malheureuse Carmen, la tentative honorable, bien que maladroite, de lord Hosborn, la cruauté de votre sœur, son départ et l’enlèvement des enfants. Je sais que vous voilà seule au monde et que je vous reste, non comme un fiancé digne de vous, vous m’avez jugé et condamné, mais comme un ami qui vous offre sa vie et qui vous la donnera malgré vous. À présent, c’est décidé et arrangé, Sarah ! je ne m’en vais plus, puisqu’il n’y a plus personne pour me chasser ou vous faire souffrir à cause de moi. Quand j’ai reçu un brin d’herbe, gage de nos fiançailles rompues, quand Nouville a mis sous mes yeux la