Page:Sand - Malgretout.djvu/36

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lui ménageais à ses habitudes et à ses besoins. Je fis venir tous ses livres, je complétai sa bibliothèque, je lui procurai des chevaux excellents : il avait laissé les siens au jeune ménage. Je m’occupai aussi de repeupler nos bois de gibier, afin qu’il pût se livrer au plaisir de la chasse. Je crois vous avoir écrit que je me livrais avec une ardeur fébrile aux soins de mon installation.

Ce fut une première brèche à ma fortune, car Malgrétout n’est pas d’un grand rapport. Le pays est pauvre, et, sauf quelques étroites et ravissantes prairies au bord de la rivière, la terre n’est qu’une mince couche de détritus sur des massifs de schiste. L’industrie des petits propriétaires pour fertiliser et utiliser ce sol ingrat est très-ingénieuse. Comme toutes les montagnes sont couvertes de bois, ils brûlent les jeunes taillis, et, sur cette cendre d’arbustes, de genêts et de fougères, ils labourent et sèment du seigle ; ce qui est à peine croyable, quand on voit sur quelles pentes escarpées ils mènent à bien ce travail agricole. Ils font une très-bonne récolte de grains la première année et une passable la seconde, puis ils laissent repousser le taillis, dont les racines, éprouvées par le feu et par la charrue, n’ont rien perdu de leur vitalité. Quand ce taillis est assez fort pour donner un produit, on le coupe et on recommence. On met à part les jeunes pieds d’arbre, on brûle le fouillis. Ces jeunes arbres, sous forme de perches de quatre à