Page:Sand - Malgretout.djvu/48

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alors trois ans ; belle à ravir et d’une précocité extraordinaire, elle me questionnait sur tout ce qui la frappait. Elle écoutait et retenait mes réponses. Elle savait déjà beaucoup de noms d’oiseaux, de papillons et de fleurs. Elle s’annonçait attentive et réfléchie. C’était un plaisir de l’amuser et de l’instruire.

Quand elle eut marché un quart d’heure, je craignis de la fatiguer, et, m’asseyant sur l’herbe, je la fis asseoir sur moi et l’invitai à se reposer. Elle n’en avait nulle envie et voulait courir seule. Je n’avais qu’un moyen de la faire tenir tranquille, c’était de lui chanter des chansons, qu’elle retenait et chantait à son tour avec une mémoire et une justesse merveilleuses. Mon répertoire de chansons à sa portée étant épuisé, je lui en avais composé d’autres, musique et paroles ; c’était bien naïf, comme vous pensez, car je m’efforçais d’adapter l’air et l’idée à son progrès intellectuel et musical. Elle allait vite et me donnait de la besogne.

Ce jour-là, je lui chantai ce qu’en m’endormant la veille au soir j’avais composé pour elle. Je n’ai pas besoin de vous dire que je n’ai jamais pris la peine d’écrire ces ingénuités. Je les oubliais à mesure, et, si je me rappelle celle-ci, ce n’est pas qu’elle fût plus digne que les autres d’être retenue et transcrite, c’est qu’elle était fatalement destinée à amener dans ma vie une perturbation funeste. Je chantai donc à demi-voix, et l’enfant répétait avec moi :