Page:Sand - Malgretout.djvu/81

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ainsi d’un monsieur qu’elle ne connaissait pas la veille, et de rester de mauvaise grâce avec les parents qui ne l’avaient jamais quittée depuis qu’elle était au monde. Je m’adressais peut-être ce sermon à moi-même, car le départ de l’artiste me causait une souffrance inexprimable. Quand il eut disparu, j’eus comme froid dans l’âme et envie de pleurer avec ma pauvre enfant.

Adda, que je trouvai au salon, s’aperçut de mon malaise et me dit avec ironie :

— Il est donc parti, que tu es si préoccupée ? Allons, ne te fâche pas ! On a beau être la plus raisonnable et la plus raisonneuse des Anglaises, la musique fait de tels prodiges ! Je me réjouis de n’avoir jamais pu y mordre, quand je vois qu’il suffit d’une heure de ce ramage pour bouleverser la tête la plus froide. Je t’ai entendue chanter hier au soir, et puis ce violon qui m’a agacé les nerfs, j’ai cru qu’il ne finirait pas ! L’odieuse chose que la mélomanie ! À quand ton hyménée avec cet oiseau voyageur ? Ce qui me console, c’est que ces messieurs-là laissent leurs femmes au logis quand ils font leur tour d’Europe annuel, et que nous te ne perdrons pas pour cela.

Ces plaisanteries me parurent de si mauvais goût, que je ne voulus pas y répondre. Je pris les mains de ma chère Adda en lui demandant si elle était souffrante ; elle comprit que je m’affligeais de l’amertume de son langage sans m’en offenser, et,