Page:Sand - Marianne, Holt, 1893.djvu/20

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pathie, la reconnaissance et l’espèce d’adoption que crée le titre de parrain.

Son premier mouvement fut de répondre :


« Mon cher Gaucher,

« Vous m’investissez d’une fonction à laquelle je me sens tout à fait impropre. N’ayant jamais su me servir moi-même, comment saurais-je servir les autres dans une entreprise aussi délicate que le mariage ? Votre projet me paraît d’ailleurs chimérique. Mademoiselle Chevreuse, vous avez oublié qu’elle a vingt-cinq ans, trouvera probablement Philippe trop jeune, et je ne sais même pas si elle n’a pas renoncé à l’idée d’aliéner sa liberté. Lui demander ce qu’elle pense à cet égard me paraîtrait, quant à moi, une indiscrétion que je ne suis pas encore d’âge à commettre… »


— Vieux fou ! s’écria intérieurement Pierre André en interrompant sa lettre ; qu’est-ce que tu écris là ? Le Gaucher se moquerait de toi. Il a soixante ans, lui, et il croit que tout le monde est de son âge… Et puis tu mens ! Pourquoi ne parlerais-tu pas d’amour et de mariage à ta filleule ? Elle ne se fâcherait nullement de te voir travailler à son bonheur, et elle te répondrait, sans rougir et sans trembler, qu’elle veut bien voir le prétendant en question. Il y a plus, si elle apprenait plus tard que tu as travaillé à l’en débarrasser,… que penserait-elle de toi ? — Non, il ne faut pas envoyer cette lettre. Je vais écrire que, forcé de m’absenter, je prie les Gaucher de choisir un autre mandataire.