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fort peu de ceux des paysans aisés d’alentour : un ou deux carrés de légumes avec des œillets et des rosiers en plate-bande, bordures de thym et de lavande ; dans un coin, le vieux buis destiné aux palmes du dimanche des Rameaux ; plus loin, le verger couvrant de ses libres ramures une pelouse fine ; autour de l’ensemble, le berceau de vigne traditionnel avec sa haie pareille à celle de la cour et son échalier fermé d’épines sèches.

C’est dans ce jardin solitaire que Marianne Chevreuse lisait ou travaillait à l’aiguille quand elle n’était pas occupée à la métairie. Justement elle se promenait sous le berceau de vigne au moment où Pierre André passa sur le chemin encaissé qui devait le ramener vers sa demeure. Leurs yeux se rencontrèrent avec une surprise réciproque, et ils échangèrent un bonjour amical un peu gêné. Pierre, qui se rendait vaguement compte de son propre malaise, ne s’expliqua pas du tout celui de Marianne, et supposa qu’il y avait quelque chose de contagieux dans la gaucherie qu’il mettait à la saluer.

VIII

Elle lui demanda des nouvelles de sa mère.

— Elle va bien, répondit André ; seulement elle s’ennuie de ne pas te voir. Sais-tu que tu deviens très-rare ! Il y a huit grands jours qu’on n’a entendu parler chez nous de la petite voisine.

— Vous ne vous êtes pas absenté depuis huit jours, mon parrain ?

— Nullement. J’ai fini de courir pour mon jardin et ma bâtisse. Tout est fini, et je compte à présent tenir fidèle compagnie à ma mère. Est-ce à dire que tu vas nous priver de la tienne ?