Page:Sand - Marianne, Holt, 1893.djvu/36

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Madame André l’écouta avec calme jusqu’au moment où il lui rendit compte du bon accueil que Marianne avait fait à la demande d’une entrevue. À ce moment elle se montra incrédule.

— Tu me fais une histoire, lui dit-elle, ou bien Marianne s’est moquée de toi. Marianne ne veut pas se marier, elle me l’a dit cent fois.

— Eh bien, elle ne s’en souvient pas, car elle affirme le contraire, ou bien elle a changé d’idée. « Souvent femme varie ! » Mais qu’as-tu donc, chère mère ? est-ce que tu pleures ?

— Peut-être, je ne sais pas ! répondit la bonne dame en essuyant avec sa serviette deux grosses larmes qui coulaient sur ses joues, sans qu’elle eût songé à les retenir. Je me sens le cœur gros, et pour un peu je pleurerais beaucoup.

— Alors parlons vite d’autre chose. Je ne veux pas t’empêcher de dîner. Voyons, maman, tu es très-attachée à Marianne. Je sais cela, et je crois qu’elle mérite ton amitié ; mais enfin c’est une fille qui n’est pas si différente des autres qu’elle le paraît. Elle a, tout comme une autre, rêvé amour et famille ; tu ne pouvais pas espérer qu’elle y renoncerait pour faire ta partie et relever les mailles de ton tricot jusqu’à la consommation des siècles ? Elle a sa part d’égoïsme comme tout le monde, c’est son droit.

— Et tu crois que c’est par égoïsme que je me chagrine de sa résolution ? Après tout, tu as peut-être raison. J’ai tort, allons ! Je ne veux pas me désoler devant elle. Elle va venir, il faut qu’elle me trouve aussi tranquille et aussi gaie que toi.

— Moi ? dit André, surpris du regard que sa mère attachait sur lui ; pourquoi serais-je triste ou inquiet ?

— Je pensais que tu pouvais l’être un peu.

— Tu ne t’es jamais figuré, j’espère, que je pouvais être épris de Marianne ?

— Quand tu le serais, je n’y verrais pas grand mal !

— Vraiment ? Confesse-toi, ma petite mère : tu avais