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XIII

Marianne s’était arrêtée en effet, c’est-à-dire qu’elle avait mis Suzon au petit pas pour parler à Marichette, sa métayère, qu’elle venait de rejoindre non loin de Dolmor.

La Marichette était assise sur des sacs d’avoine à l’arrière d’une longue charrette à bœufs, que conduisait avec l’aiguillon son mari à pied. Le chemin était trop étroit pour permettre à un cheval et même à un piéton de passer entre la roue et la haie. Les bœufs n’allaient pas vite, Suzon flairait l’avoine qu’on venait d’acheter pour elle, et, reconnaissant son monde, avait allongé son nez jusque sur les genoux de la métayère, qui lui caressait le front tout en rendant compte à sa bourgeoise des moutons gras qu’elle avait vendus au boucher et des cochons qu’elle avait marchandés sans en trouver de passables à un bon prix.

Pendant ce dialogue, Marianne, laissant Suzon à elle-même, la bride passée dans son bras, avait pris l’attitude nonchalante d’une personne pensive ou fatiguée. Tout à coup, avisant une belle branche de chèvrefeuille dans le buisson, elle poussa Suzon avec le talon sans lui faire sentir la bride, et étendit ses deux bras pour cueillir la branche.

Mais au même moment le jeune Philippe, qui l’avait rejointe sans qu’elle le vît, laissant André un peu en arrière, s’élança vers le chèvrefeuille, brisa lestement la branche et l’offrit à Marianne avec l’aisance hardie et courtoise d’un enfant de Paris.

À la vue de ce beau garçon inconnu, au regard plein de feu et au sourire plein de promesses, Marianne