Page:Sand - Marianne, Holt, 1893.djvu/52

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J’y veillerai, mon garçon ; elle ne t’appartient pas encore, son parrain a encore le devoir de la protéger.

Il rentra dans sa chambre, et, pour se débarrasser de sa mauvaise humeur, il eut envie d’écrire ; mais il chercha en vain le carnet qu’il avait commencé la veille. Il ne le trouva pas, et, ne se souvenant pas bien de ce qu’il avait écrit, il eut quelque inquiétude de l’avoir perdu durant sa promenade. Il se rappela qu’en rentrant il avait posé son bâton et son sac dans le salon, et il descendit pour voir si le carnet ne s’y trouvait pas.

Il y rencontra sa mère, qui, elle aussi, paraissait agitée.

— Qu’est-ce que nous cherchons ? lui dit-elle.

— Un mauvais petit livre de poche où j’écris mes notes…

— Il est là, dit-elle en ouvrant un tiroir. Je l’ai trouvé ce matin en rangeant, et je l’ai serré.

— Si tu l’as lu, reprit André en mettant le carnet dans sa poche, tu as dû me croire fou.

— Lu ? Mon Dieu, non ; je ne suis pas curieuse de l’écriture, que je n’ai jamais lue bien facilement ; mais pourquoi me dis-tu que tu peux paraître fou ?

— Parce que… Dis-moi d’abord pourquoi tu parais, toi, inquiète et contrariée.

— Oh ! moi, je peux le dire. Je suis furieuse de penser que nous allons conduire ce joli cœur à Marianne, et que, l’ayant reçu et accueilli, nous voilà forcés de le trouver charmant devant elle. Eh bien, non ! Quant à moi, je ne ferai pas ce mensonge, je le trouve ridicule et insupportable et je ne promets pas de ne pas laisser voir ce que je pense de lui.

— Tu le juges trop vite, répondit Pierre en s’asseyant auprès de sa mère, qui s’était jetée avec humeur sur le sofa. Ce n’est ni une bête, ni un méchant garçon ; ses manières, qui ont trop d’aplomb, j’en conviens, plairont peut-être à Marianne, qui sait ? Marianne n’a peut-être pas tout le jugement que tu lui attribues, et que sur ta parole je lui ai attribué aussi.