Page:Sand - Marianne, Holt, 1893.djvu/58

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c’était un mai, c’est-à-dire un gage de fiançailles pour la demoiselle ; mais Philippe paraissait si décidé qu’il fallait ou le laisser faire ou se fâcher, ce qui lui paraîtrait souverainement ridicule et brutalement contraire aux lois de l’hospitalité. Pierre feignit donc de prendre la chose en riant et le laissa s’éloigner seul en lui rappelant que sa mère déjeunait à neuf heures, et qu’on partirait vers midi pour le dîner de Validat, qui devait avoir lieu, suivant la coutume du pays, à trois heures.

— Ne vous inquiétez pas de moi, répondit Philippe, et surtout ne m’attendez pas. Si je suis trop loin pour rentrer à l’heure de votre déjeuner, je trouverai du pain et du lait n’importe où. Sachez bien que nulle part un paysagiste n’est embarrassé de rien. J’ai fait d’autres explorations que celle de votre Suisse microscopique, mon cher !

Pierre feignit de rentrer et prit à travers champs pour se rapprocher de Validat. Il voulait surveiller celui qu’il appelait en lui-même avec un dépit dédaigneux son jeune homme.

Il eut un fou rire de contentement lorsqu’au bout d’un quart d’heure il aperçut de loin Philippe s’arrêter en face du chemin creux qui descend vers Validat, puis continuer à monter sur le chemin découvert pour se diriger vers le castel de Mortsang. Philippe, en contemplant les toits de tuiles moussues de la métairie de Validat, tapie sous les gros noyers et ne présentant ni un pavillon ni une tourelle, n’avait pas voulu supposer que la dame de ses pensées pût habiter cette tanière de paysans laboureurs. Il avait avisé plus loin le castel pittoresque, et c’est là, chez des gentillâtres fort étrangers à ses amours, qu’il allait déposer son offrande.