Page:Sand - Marianne, Holt, 1893.djvu/63

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— Si fait ! vous m’épouseriez par point d’honneur, et je ne voudrais ni vous mettre dans un pareil embarras, ni être forcée d’accepter le mariage comme une réparation.

Toutes les paroles de Marianne troublaient profondément André. Ils s’étaient arrêtés, elle dans l’eau où Suzon avait voulu boire, lui, appuyé contre un bloc de grès. Le ruisseau coulait transparent sur le sable qu’il semblait à peine mouiller. Les arbres, épais et revêtus de leurs feuilles nouvelles, enveloppaient les objets d’une teinte de vert doux où se mêlait le rose du soleil levant.

— Marianne, dit André devenu tout pensif, tu es vraiment très-jolie ce matin, et le jeune damoiseau qui s’est avisé de découvrir le premier ta beauté doit avoir un profond mépris pour moi, qui lui ai parlé de toi avec la modestie qu’un père doit avoir quand on lui vante sa fille. Il te le dira certainement…

— Eh bien, que faudra-t-il croire ?

— Il faudra croire qu’un homme dans ma position ne devait pas te regarder avec les yeux d’un prétendant, et qu’il n’est pas ridicule parce qu’il se rend justice. Tu sembles me reprocher d’avoir été aveugle par dédain ou par indifférence. Ne peux-tu pas supposer que je l’ai été par honnêteté de cœur et par respect ?

— Merci, mon parrain, répondit Marianne avec un sourire radieux, vous ne m’avez jamais blessée par votre indifférence. Il m’importe peu d’être trouvée belle, pourvu qu’on m’aime, et je suis bien sûre que vous avez toujours eu de l’amitié pour moi. Si M. Gaucher n’est pas un bon parti pour moi, vous me le direz, et je ne ferai que ce qui vous plaira.

— Attendons à ce soir, Marianne ; s’il te plaît, à toi, tout sera changé, et tu ne me demanderas plus conseil.

— Il pourrait me plaire et vous déplaire… Eh bien, s’il me plaît, tant pis, je ne vous écouterai pas moins.