Page:Sand - Mauprat.djvu/251

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faisait une propagande plus efficace, en colportant du château à la chaumière et de la maison bourgeoise à la ferme, ces petites éditions à bon marché de la Science du bonhomme Richard, et d’autres menus traités de patriotisme populaire, que, selon la société jésuitique, une société secrète de philosophie voltairiens, voués aux pratiques diaboliques de la franc-maçonnerie, faisait circuler gratis dans les basses classes.

Il y avait autant d’enthousiasme révolutionnaire que d’amour pour les aventures dans la subite résolution de Marcasse. Depuis longtemps, le loir et la fouine lui paraissaient des ennemis trop faibles, et l’aire aux grains un champ trop resserré pour sa valeur inquiète. Il lisait chaque jour les journaux de la veille dans l’office des bonnes maisons qu’il parcourait, et cette guerre d’Amérique, qu’on signalait comme le réveil de la justice et de la liberté dans l’univers, lui avait semblé devoir amener une révolution en France. Il est vrai qu’il prenait au pied de la lettre cette influence des idées qui devaient traverser les mers et venir s’emparer des esprits sur notre continent. Il voyait en rêve une armée d’Américains victorieux descendant de nombreux vaisseaux et apportant l’olivier de paix et la corne d’abondance à la nation française. Il se voyait dans ce même rêve commandant une légion héroïque et reparaissant dans la Varenne guerrier, législateur, émule de Washington, supprimant les abus, renversant les fortunes, dotant chaque prolétaire d’une portion convenable, et, au milieu de ces vastes et rigoureuses mesures, protégeant les bons et loyaux nobles et leur conservant une existence honorable. Il est inutile de dire que les nécessités douloureuses des grandes crises politiques n’entraient point dans l’esprit de Marcasse, et que pas une goutte de sang répandu ne venait souiller le romanesque tableau que Patience déroulait devant ses yeux.