Page:Sand - Mauprat.djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Oui, va avertir mon ami, brave chien ! s’écria Marcasse ; plus ami que toi serait plus qu’homme.

Il se retourna vers moi, et je vis deux grosses larmes rouler sur les joues de l’impassible hidalgo.

Nous doublâmes le pas jusqu’à la cabane. Elle avait subi de notables améliorations ; un joli jardin rustique, clos par une haie vive adossée à des quartiers de roc, s’étendait autour de la maisonnette ; nous arrivâmes, non plus par un sentier pierreux, mais par une belle allée, aux deux côtés de laquelle des légumes splendides s’étalaient en lignes régulières comme une armée en ordre de marche. Un bataillon de choux composait l’avant-garde ; les carottes et les salades formaient le corps principal, et, le long de la haie, l’oseille modeste fermait le cortège. De jolis pommiers, déjà forts, inclinaient sur ces plantes leur parasol de verdure, et les poiriers en éventail, les bordures de thym et de sauge baisant le pied des tournesols et des giroflées, trahissaient dans Patience un singulier retour à des idées d’ordre social et à des habitudes de luxe.

Ce changement était si notable que je croyais ne plus trouver Patience dans cette habitation. Une inquiétude plus grave encore commençait à me gagner ; elle se changea presque en certitude lorsque je vis deux jeunes gens du village occupés à tailler les espaliers. Notre traversée avait duré plus de quatre mois, et il y en avait bien six que nous n’avions entendu parler du solitaire. Mais Marcasse ne ressentait aucune crainte ; Blaireau lui avait dit que Patience vivait, et les traces du petit chien fraîchement marquées sur le sable de l’allée attestaient la direction qu’il avait prise. Néanmoins, j’avais tellement peur de voir troubler la joie d’un pareil jour que je n’osai pas faire une question aux jardiniers de Patience, et que je