Page:Sand - Mauprat.djvu/281

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la Roche-Mauprat. J’ai eu le cauchemar la nuit dernière, et j’étais si fatigué et si triste en m’éveillant que, si je n’eusse craint de montrer de la mauvaise volonté à mon oncle, j’aurais encore différé ce voyage désagréable. En entrant ici, j’ai senti le froid me gagner ; ma poitrine était oppressée, je ne respirais pas. Peut-être aussi l’âcre fumée dont la chambre était remplie m’a-t-elle troublé le cerveau. Enfin, après les fatigues et les périls de notre malheureuse traversée, dont nous sommes à peine remis l’un et l’autre, est-il étonnant que j’aie éprouvé une crise nerveuse à la première émotion pénible ?

— Dites-moi, reprit Marcasse toujours pensif, avez-vous remarqué Blaireau dans ce moment-là ? Qu’a fait Blaireau ?

— J’ai cru voir Blaireau s’élancer sur le fantôme au moment où il a disparu ; mais j’ai rêvé cela comme le reste.

— Hum ! dit le sergent, quand je suis entré, Blaireau était tout en feu. Il venait à vous, flairait, pleurait à sa manière, allait du côté du lit, grattait le mur, venait à moi, allait à vous. Singulier, cela ! Étonnant, capitaine ! étonnant, cela !

Après quelques instants de silence :

— Pas de revenants, s’écria-t-il en secouant la tête, jamais de revenants ; d’ailleurs, pourquoi mort, Jean ? Pas mort ! Deux Mauprat encore. Qui le sait ? Où diable ? Pas de revenants ; et mon maître, fou ? Jamais. Malade ? Non.

Après ce colloque, le sergent alla chercher de la lumière, tira du fourreau son inséparable épée, siffla Blaireau, et reprit bravement la corde qui servait de rampe à l’escalier, m’engageant à rester en bas. Quelle que fût ma répugnance à remonter dans cette chambre, je n’hésitai