Page:Sand - Mauprat.djvu/311

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nouveaux goûts, qu’il se détrompe, dites-le-lui bien de ma part. La sécurité du vieillard et l’avenir de la jeune fille n’ont que moi pour défenseur, et je saurai les défendre, fût-ce au péril de l’honneur et de la vie.

— L’honneur et la vie sont pourtant de quelque importance à votre âge, reprit l’abbé visiblement irrité, mais affectant des manières plus douces que jamais. Qui sait à quelle folie la ferveur religieuse peut entraîner le trappiste ? Car, entre nous soit dit, mon pauvre enfant… voyez, moi, je suis un homme sans exagération ; j’ai vu le monde dans ma jeunesse, et je n’approuve pas ces partis extrêmes, dictés plus souvent par l’orgueil que par la piété. J’ai consenti à tempérer l’austérité de la règle, mes religieux ont bonne mine et portent des chemises… Croyez bien, mon cher monsieur, que je suis loin d’approuver le dessein de votre parent, et que je ferai tout au monde pour l’entraver ; mais, enfin, s’il persiste, à quoi vous servira mon zèle ? Il a la permission de son supérieur et peut se livrer à une inspiration funeste… Vous pouvez être gravement compromis dans une affaire de ce genre ; car enfin, quoique vous soyez, à ce qu’on assure, un digne gentilhomme, bien que vous ayez abjuré les erreurs du passé, bien que peut-être votre âme ait toujours haï l’iniquité, vous avez trempé de fait dans bien des exactions que les lois humaines réprouvent et châtient. Qui sait à quelles révélations involontaires le frère Népomucène peut se voir entraîné s’il provoque l’instruction d’une procédure criminelle ? Pourra-t-il la provoquer contre lui-même sans la provoquer en même temps contre vous ?… Croyez-moi, je veux la paix… je suis un bon homme…

— Oui, un très bon homme, mon père, répondis-je avec ironie, je le vois parfaitement. Mais ne vous inquiétez