Page:Sand - Mauprat.djvu/322

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ser. L’abbé a raison ; il peut être redoutable. Il sait que notre parenté avec lui nous empêchera toujours de nous mettre à l’abri de ses persécutions en invoquant les lois ; et, s’il ne peut nous nuire aussi sérieusement qu’il s’en flatte, il peut du moins nous susciter mille dégoûts que je répugne à braver. Jetez-lui de l’or, et qu’il s’en aille, mais ne me quittez plus, Bernard. Voyez, vous m’êtes nécessaire absolument ; soyez consolé du mal que vous prétendez m’avoir fait.

Je pressai sa main dans les miennes, et jurai de ne jamais m’éloigner d’elle, fût-ce par son ordre, tant que ce trappiste n’aurait pas délivré le pays de sa présence.

L’abbé se chargea des négociations avec le couvent. Il se rendit à la ville le lendemain, et porta, de ma part, au trappiste l’assurance expresse que je le ferais sauter par les fenêtres s’il s’avisait jamais de reparaître au château de Sainte-Sévère. Je lui proposai en même temps de subvenir à ses besoins, largement même, à condition qu’il se retirerait sur-le-champ, soit à sa chartreuse, soit dans toute autre retraite séculière ou religieuse, à son choix, et qu’il ne remettrait jamais les pieds en Berry.

Le prieur reçut l’abbé avec tous les témoignages d’un profond dédain et d’une sainte aversion pour son état d’hérésie ; loin de le cajoler comme moi, il lui dit qu’il voulait rester étranger à toute cette affaire, qu’il s’en lavait les mains, et qu’il se bornerait à transmettre les décisions de part et d’autre, et à donner asile au frère Népomucène, autant par charité chrétienne que pour édifier ses religieux par l’exemple d’un homme vraiment saint. À l’en croire, le frère Népomucène serait le second du nom placé au premier rang de la milice céleste, en vertu des canons de l’Église.

Le jour suivant, l’abbé, rappelé au couvent par un