Page:Sand - Mauprat.djvu/345

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pas eu de la journée une seule balle sur moi, et il était impossible que mon fusil se trouvât chargé à mon insu, puisque je ne l’avais pas ôté de la bandoulière depuis que j’avais tué la huppe.

Bien sûr donc que je n’étais pas la cause de l’accident funeste, il me restait à trouver une explication à cette catastrophe foudroyante. Elle m’embarrassa moins que personne ; je pensai qu’un tirailleur maladroit avait pris, à travers les branches, le cheval d’Edmée pour une bête fauve, et je ne songeai pas à accuser qui que ce fût d’assassinat volontaire ; seulement j’ai compris que j’étais accusé moi-même. J’arrachai la vérité à Marcasse. Il m’apprit que le chevalier et toutes les personnes qui faisaient partie de la chasse avaient attribué ce malheur à un accident fortuit, à une arme qui s’était, à mon grand désespoir, déchargée lorsque mon cheval m’avait renversé ; car on pensait que j’avais été jeté par terre. Telle était à peu près l’opinion que chacun émettait. Dans les rares paroles qu’Edmée pouvait prononcer, elle répondait affirmativement à ces commentaires. Une seule personne m’accusait, c’était Patience ; mais il m’accusait en secret et sous le sceau du serment auprès de ses deux amis, Marcasse et l’abbé Aubert.

— Je n’ai pas besoin, ajouta Marcasse, de vous dire que l’abbé garde un silence absolu et se refuse à vous croire coupable. Quant à moi, je puis vous jurer que jamais…

— Tais-toi, tais-toi ! lui dis-je ; ne me dis pas même cela, ce serait supposer que quelqu’un sur la terre peut le croire. Mais Edmée a dit quelque chose d’inouï à Patience au moment où elle a expiré ; car elle est morte, tu veux en vain m’abuser ; elle est morte, je ne la verrai plus !

— Elle n’est pas morte ! s’écria Marcasse.

Et il me fit des serments qui me convainquirent ; car je savais qu’il eût fait de vains efforts pour mentir ; tout