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Page:Sand - Mauprat.djvu/360

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en était partiale, de soulever contre l’accusé la haine publique. Les dévots surtout, recevant du clergé leur opinion toute faite, poursuivaient la victime avec acharnement, et c’est ce qui eut lieu pour moi, d’autant plus que le clergé de la province joua en ceci un autre rôle occulte qui faillit décider de mon sort.

L’affaire, portée en cour criminelle au présidial de Bourges, fut instruite en très peu de jours.

Vous pouvez imaginer le sombre désespoir auquel je fus en proie. Edmée était dans un état de plus en plus déplorable, sa raison était complètement égarée. J’étais sans inquiétude sur l’issue du procès ; et ne pensais pas qu’il fût possible de me convaincre d’un crime que je n’avais pas commis ; mais que m’importaient l’honneur et la vie si Edmée ne devait pas retrouver la faculté de me réhabiliter vis-à-vis d’elle-même ? Je la considérais comme morte, morte en me maudissant ! Aussi, j’étais irrévocablement décidé à me tuer aussitôt après mon arrêt, quel qu’il fût. Je m’imposais comme un devoir de subir la vie jusque-là, et de faire ce qui serait pour le triomphe de la vérité ; mais j’étais accablé d’une telle stupeur, que je ne m’informais pas même de ce qu’il y avait à faire. Sans l’esprit et le zèle de mon avocat, sans le dévouement admirable de Marcasse, mon incurie m’eût abandonné au sort le plus funeste.

Marcasse passait toutes les journées à courir et à s’employer pour moi. Le soir, il venait se jeter sur une botte de paille au pied de mon lit de sangle ; et, après m’avoir donné des nouvelles d’Edmée et de mon oncle, qu’il allait voir tous les jours, il me racontait le résultat de ses démarches. Je lui serrais la main avec tendresse ; mais, la plupart du temps, absorbé par ce qu’il venait de me dire sur Edmée, je ne l’entendais point sur le reste.