Page:Sand - Mauprat.djvu/369

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ce qu’était devenue sa fille Edmée, qui s’était écartée de la chasse depuis un temps assez long pour lui causer de l’inquiétude. Je courus assez loin et trouvai, à trente pas de la tour Gazeau, M. Bernard de Mauprat dans un grand désordre. Je venais d’entendre un coup de feu. Je vis qu’il n’avait plus sa carabine ; il l’avait jetée (déchargée, comme le fait a été constaté) à quelques pas de là. Nous courûmes ensemble jusqu’à Mlle de Mauprat, que nous trouvâmes à terre percée de deux balles. L’homme qui nous avait devancés et qui était près d’elle en cet instant pourrait seul nous dire les paroles qu’il a pu recueillir de sa bouche. Elle était sans connaissance quand je la vis.

— Mais vous avez su ponctuellement ces paroles de cette personne, dit le président ; car il existe, dit-on, une liaison d’amitié entre vous et ce paysan instruit qu’on appelle Patience.

L’abbé hésita et demanda si les lois de la conscience n’étaient pas ici en contradiction avec les lois de la procédure ; si des juges avaient le droit de demander à un homme la révélation d’un secret confié à sa loyauté et de le faire manquer à son serment.

— Vous avez fait serment ici, par le Christ, de dire la vérité, toute la vérité, lui répondit-on ; c’est à vous de savoir si ce serment n’est pas plus solennel que tous ceux que vous avez pu faire précédemment.

— Mais, si j’avais reçu cette confidence sous le sceau de la confession, dit l’abbé, vous ne m’exhorteriez certainement pas à la révéler.

— Il y a longtemps, dit le président, que vous ne confessez plus personne, monsieur l’abbé.

À cette remarque inconvenante, il y eut de la gaieté sur le visage de Jean de Mauprat, une gaieté affreuse qui