Page:Sand - Mauprat.djvu/404

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de dire de quel côté elle était tournée et de quel côté était parti le coup.

— Voilà tout ce qui est arrivé, ajouta-t-elle ; je suis la dernière personne en état de vous expliquer cet accident. Je ne puis en mon âme et conscience l’attribuer qu’à la maladresse d’un de nos chasseurs, qui aura craint de l’avouer. Les lois sont si sévères ! et la vérité est si difficile à prouver !

— Ainsi, mademoiselle, vous ne pensez pas que votre cousin soit l’auteur de cet attentat ?

— Non, monsieur, certainement non ! Je ne suis plus folle, et je ne me serais pas laissé conduire devant vous si j’avais senti mon cerveau malade.

— Vous semblez imputer à un état d’aliénation mentale les révélations que vous avez faites au bonhomme Patience, à Mlle  Leblanc votre gouvernante, et peut-être aussi à l’abbé Aubert.

— Je n’ai fait aucune révélation, répondit-elle avec assurance, pas plus au digne Patience qu’au respectable abbé et à la servante Leblanc. Si l’on appelle révélation les paroles dépourvues de sens qu’on dit dans la fièvre, il faut condamner à mort toutes les figures qui nous font peur dans les rêves. Quelle révélation aurais-je pu faire d’un fait que j’ignore ?

— Mais vous avez dit, au moment où vous avez reçu la blessure en tombant de votre cheval : Bernard, Bernard, je ne vous aurais jamais cru capable de me tuer !

— Je ne me souviens pas d’avoir jamais dit cela ; et, quand je l’aurais dit, je ne concevrais pas l’importance qu’on peut attribuer aux impressions d’une personne frappée de la foudre et dont l’esprit est comme anéanti. Ce que je sais, c’est que Bernard de Mauprat donnerait sa vie pour mon père et pour moi, ce qui ne rend pas très probable