Page:Sand - Mauprat.djvu/418

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tions d’entrailles à des époques assez rapprochées. Jean de Mauprat était, disait-il, très habile dans l’art de préparer les poisons, et s’introduisait dans les maisons sous divers déguisements pour les mêler aux aliments. Il assura que, le jour où Edmée avait été amenée à la Roche-Mauprat, il avait assemblé tous ses frères pour délibérer avec eux sur le moyen de se débarrasser de cette héritière d’une fortune considérable, fortune qu’il avait travaillé à saisir par les voies du crime, en essayant de détruire les effets du mariage du chevalier Hubert. Ma mère avait payé de sa vie l’affection qui avait porté ce dernier à vouloir adopter l’enfant de son frère. Tous les Mauprat voulaient qu’on se débarrassât d’Edmée et de moi du même coup, et Jean apprêtait le poison lorsque la maréchaussée vint faire diversion à cet affreux dessein en attaquant le donjon. Jean repoussa ces accusations avec horreur, disant humblement qu’il avait commis bien assez de péchés mortels dans la débauche et l’irréligion, sans qu’on lui imputât encore ceux-là. Comme ils étaient difficiles à admettre, sans examen, de la bouche d’Antoine, que cet examen était à peu près impossible, et que le clergé était trop puissant et trop intéressé à empêcher ce scandale pour le permettre, Jean de Mauprat fut déchargé de l’accusation de complicité et seulement renvoyé à la Trappe, avec défense de l’archevêque de remettre les pieds dans le diocèse et invitation à ses supérieurs de ne le laisser jamais sortir de son couvent. Il y mourut peu d’années après, dans les transes d’un repentir exalté, qui avait même le caractère de l’aliénation. Il est vraisemblable qu’à force de feindre le remords, afin d’arriver à une sorte de réhabilitation sociale, il avait fini, après avoir échoué dans ses projets, par ressentir, au sein des austérités et des châtiments terribles de son ordre, les frayeurs et les angoisses d’une mauvaise conscience et