Page:Sand - Mauprat.djvu/70

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sur l’âme de mon père qu’elle te sera adjugée, vaillant jeune homme ! Et nous verrons si ton audace répond à tes prétentions.

Je restai les coudes sur la table, plongé dans un malaise stupide.

Lorsque la porte se rouvrit, je vis entrer une femme d’une démarche assurée et revêtue d’un costume étrange. Il me fallut un effort pour ne pas tomber dans une sorte de divagation, et pour comprendre ce que l’un des Mauprat vint me dire à l’oreille. Au milieu d’une battue aux loups, à laquelle plusieurs seigneurs des environs, avec leurs femmes, avaient voulu prendre part, le cheval de cette jeune personne s’était effrayé et l’avait emportée loin de la chasse. Lorsqu’il s’était calmé après une pointe de près d’une lieue, elle avait voulu retourner en arrière ; mais, ne connaissant pas le pays de la Varenne, où tous les sites se ressemblent, elle s’était de plus en plus écartée. L’orage et la nuit avaient mis le comble à son embarras. Laurent, l’ayant rencontrée, lui avait offert de la conduire au château de Rochemaure, qui était en effet à plus de six lieues de là, mais qu’il disait très voisin, et dont il feignit d’être le garde-chasse. Cette dame avait accepté son offre. Sans connaître la dame de Rochemaure, elle était un peu sa parente, et se flattait d’être bien accueillie. Elle n’avait jamais rencontré la figure d’aucun Mauprat, et ne songeait guère être si près de leur repaire. Elle avait donc suivi son guide sans défiance, et n’ayant vu de sa vie la Roche-Mauprat, ni de près ni de loin, elle fut introduite dans la salle de nos orgies sans avoir le moindre soupçon du piège où elle était tombée.

Quand je frottai mes yeux appesantis et regardai cette femme si jeune et si belle, avec un air de calme, de franchise et d’honnêteté que je n’avais jamais trouvé sur le