Page:Sand - Mauprat.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

oublier. En vain je la pressais de continuer sa route sans moi ; elle pouvait maintenant s’échapper. Nous avions fait beaucoup de chemin. Le jour ne tarderait pas à paraître. Elle trouverait des habitations, et partout on la protégerait contre les Mauprat.

— Je ne te quitterai pas, répondit-elle avec obstination ; tu t’es dévoué à moi, je me dévoue à toi de même ; nous nous sauverons tous deux ou nous mourrons ensemble.

— Je ne me trompe pas, m’écriai-je ; c’est une lumière que j’aperçois entre ces branches. Il y a là une habitation. Edmée, allez y frapper. Vous m’y laisserez sans inquiétude, et vous trouverez un guide pour vous conduire chez vous.

— Quoi qu’il arrive, je ne vous quitterai pas, dit-elle ; mais je vais voir si l’on peut vous secourir.

— Non, lui dis-je, je ne vous laisserai pas frapper seule à cette porte. Cette lumière, au milieu de la nuit, dans une maison située au fond des bois, peut cacher quelque embûche.

Je me traînai jusqu’à la porte. Elle était froide comme du métal ; les murs étaient couverts de lierre.

— Qui est là ? cria-t-on du dedans avant que nous eussions frappé.

— Nous sommes sauvés, s’écria Edmée : c’est la voix de Patience.

— Nous sommes perdus, lui dis-je ; nous sommes ennemis mortels, lui et moi.

— Ne craignez rien, dit-elle, suivez-moi ; c’est Dieu qui nous amène ici.

— Oui, c’est Dieu qui t’amène ici, fille du ciel, étoile du matin, dit Patience en ouvrant la porte, et quiconque te suit soit le bienvenu à la tour Gazeau.

Nous pénétrâmes sous une voûte surbaissée, au milieu de laquelle pendait une lampe de fer. À la clarté de ce