Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/138

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

et je ne dois pas oublier un incident que j’étais très-curieux de sonder. Je lui ai demandé pourquoi, lorsqu’elle était à Paris, elle ne s’était pas mariée, n’importe comment, et sans réflexion, pour échapper à la domination de ce père insensé.

— Je n’ai été tentée qu’une fois, m’a-t-elle répondu, de prendre ce parti-là : mais j’ai reçu une rude leçon qui m’a rendue circonspecte. C’est ma seule aventure, la voici.

» Un jour, mon père me dit :

» — Tâchez de ne pas être trop sotte, et vous serez mariée dans quinze jours. Vous avez vu chez nous le vieux M. Piermont ? Il a un neveu beau et bien fait, pas riche, mais de haute famille, qui doit venir après-demain.

» Zoé, à qui je racontai la nouvelle, sauta de joie.

» — Maîtresse, vous m’emmènerez, vous prendrez pauvre père noir avec vous. Vous nous rachèterez au maître, bien cher s’il le faut, mais vous ne nous laisserez pas ici !

» Vous pensez bien que je promettais tout et ne doutais de rien. Quant à mon fiancé, oh ! je l’adorais d’avance, car je ne lui demandais, pour être adoré : que de ne pas faire battre mes amis et de ne pas trop me battre moi-même. Ah ! que les hommes donneraient le bonheur à bon marché à de pauvres filles dans certaines positions intolérables ! On m’avait dit que le neveu de M. Piermont était beau et de bonne famille, je voyais en lui un prince, peut-être un dieu. Que voulez-vous ! j’avais un peu plus de quinze ans, je n’avais jamais pensé au mariage : ce devait être le paradis de la liberté !

» Au lieu de venir le surlendemain, le vieux M. Pier-