Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/204

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phant dans sa situation serait d’avoir pour gendre l’homme le plus honorable et le plus désintéressé.

— Vous la tromperez, car elle se flattera de pouvoir s’appuyer sur le pardon d’un homme qui, s’il se respecte, ne la verra jamais.

— Eh bien, j’essayerai autre chose, mais je ne veux pas vous dire mon secret, vous n’êtes pas assez naïf ; vous m’ôteriez la foi, et il faut que j’aie la foi pour réussir. Voici Jeanne qui revient, mais je suis bien sûre que madame Duport la suit ou l’observe. Déjouez la curiosité de l’une et n’encouragez pas l’imprudence de l’autre. Prenez cette allée à gauche et disparaissez. Moi, je vais me montrer avec Jeanne.

J’ai obéi, tout en trouvant mademoiselle Vallier remplie de sagesse et de présence d’esprit, et ma mauvaise habitude de douter de tout me souille bien un peu à l’oreille que la charmante Aldine ne se souciait peut-être pas d’éveiller d’autres soupçons sur son propre compte.

Je ne sais si on nous avait épiés. Quand, après un long détour dans le parc, je me suis retrouvé dans un coin du salon, très-loin de Jeanne et d’Aldine, Gédéon est venu se placer près de moi comme pour écouter la musique. Il l’aime avec passion, et, comme la plupart des juifs, il est admirablement doué sous ce rapport. Après les premiers morceaux, il était dans une sorte d’ivresse, il me serrait les mains comme un homme qui a le vin tendre.

— Calmez-vous, lui dis-je, je ne suis pas l’auteur de Moïse.

— Ça m’est égal, répondit-il en riant, je vous aime et je vous estime… Oh ! mais très-particulièrement !