Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/39

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qui jusqu’ici a eu la folie de préférer sa liberté à ces deux séductions, irrésistibles pour les autres.

— Sais-tu que tu parles avec dépit ?

— Si j’ai du dépit, c’est contre toi, à qui j’ai juré n’avoir autorisé aucune démarche, et qui sembles vouloir m’offenser en ne voulant pas me croire.

— Je ne veux pas t’offenser du tout, et je te trouve diablement susceptible. Quand tu aurais été refusé, la belle affaire ! Je l’ai été dix fois, moi qui te parle, et je t’assure que je ne garde pas rancune aux familles qui n’ont pas trouvé que je faisais leur affaire.

— Eh bien, moi, je n’ai jamais été refusé, voilà la différence !

— Ah ! tu prends ça bien haut, je trouve, et je commence à croire que Rébecca… je veux dire mademoiselle Nuñez, t’avait bien jugé, car j’ai eu maille à partir l’autre jour avec elle à ton sujet.

— Ah !

— Oui, mon cher. Figure-toi que j’ai eu l’imprudence de me vanter d’être ton ami : ah bien ! j’ai failli me brouiller avec elle. Elle prétend que tu es un esprit hautain, têtu, étroitement philosophe, un disciple de Proudhon, un impie, que sais-je ? car elle est très-pieuse, très-catholique, comme le sont généralement les juives baptisées… C’est égal, elle est charmante, et c’est un diable pour l’esprit. Elle t’a abîmé, mon petit ; mais ça ne fait rien, je ne t’en aime pas moins, et, quand elle sera ma femme, je me charge de vous réconcilier, à la condition que tu respecteras ses croyances.

— Il faudra donc nous réconcilier ? Comment cela se fait-il, puisqu’elle ne m’avait par remarqué ?

Le camarade, pris en flagrant délit de mensonge