Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/42

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

se contentait apparemment de voir couler l’eau et de prendre ses mesures pour la première tentative possible.

Ce brave homme, car c’est un brave homme, j’en suis certain, doit avoir la passion de son art, et je ne serais pas surpris qu’il y fût passé maître. J’avais envie de l’interroger, car sa figure avenante semblait provoquer mes avances. Il a les plus beaux yeux qu’il soit possible de voir, gros, ronds, noirs, saillants et remplis d’un feu sauvage et doux comme celui de ces oiseaux chasseurs que nous appelons féroces parce qu’ils obéissent au plus innocent des instincts, celui de la conservation. Malgré cet éclair d’animalité, le bonhomme a l’air intelligent, exalté, peut-être un peu fou. Le long nez est celui d’un chercheur enthousiaste et persévérant, la bouche est charmante de bonté et de finesse, sous une grosse moustache encore noire. Il m’a souri comme à une connaissance, ce qui m’a contraint à le saluer, et il a répondu verbalement à mon salut, en homme qui ne demandait qu’à causer. Touché de cette physionomie ouverte et paternelle, je me suis tenu à quatre pour passer mon chemin sans rien dire ; mais, ne voulant pas avoir à satisfaire la curiosité des autres, ne dois-je pas m’abstenir d’être curieux pour mon compte ?

Pourtant je l’ai été, car, à peine rentré chez moi, j’ai ouvert mon rideau pour le voir partir. Il a été long à se décider ; enfin, ramassant son panier vide ou plein, il a pris la direction de la maisonnette mystérieuse dont le scintillement journalier et fugitif semble un regard qui m’interroge ou m’appelle. — Mais tout ceci est une pure hypothèse, et je laisse courir ma plume sur ces riens plutôt pour m’exercer